Les cuisinistes sont-ils cultivés ?

Actualités - 09 juin 2015

Les cuisinistes sont plus cultivés qu’il y a 30 ou 20 ans. Avant d’éclairer ce constat positif, il convient de préciser qu’il concerne une tendance collective et ne saurait concerner tel(s) professionnel(s) en particulier. De même, soulignons que, comme toute tendance, celle-ci porte sur une moyenne. Parlons sans détour : parmi les cuisinistes français (ou de toute autre nationalité), comme au sein de toute profession, il y a autour d’une majorité d’hommes et femmes répondant au niveau de la moyenne nationale, d’insondables incultes et de brillants instruits. En vertu d’une règle que les anthropologues ni les autres scientifiques n’ont encore expliquée, la proportion de ces minorités aux deux extrêmes n’a probablement pas changé depuis que le métier de cuisiniste existe, et même, pour remonter plus loin dans le temps, depuis que l’homo s’est mis à sapiens à tort ou à raison.

 

Revenons aux temps modernes et au constat positif formulé au début de cet article. Oui, les cuisinistes sont plus cultivés qu’il y a 30 ans. Mais, cette fois, l’évolution est contraire à celle déplorée par un nombre croissant d’observateurs – taxés d’être « déclinistes » par leurs contradicteurs – qui dénoncent une baisse du niveau d’instruction à chaque nouvelle génération de l’ensemble de la population française depuis 40 ans environ. Cette analyse s’appuie principalement sur une régression aussi régulière qu’avérée des niveaux d’exigence établis par l’Education nationale. De fait, alors qu’il y a un demi-siècle, un jeune diplômé du disparu certificat d’étude connaissait le nom des départements et de leur préfecture (voire sous-préfectures) respective, un ado sur deux ne sait pas compter ni écrire correctement le français en entrant en 3ème et, plus tard, 4 commerciaux adultes sur 5 se rendent dans le 24, le 29 ou le 15, sans savoir qu’ils vont en Dordogne, dans le Finistère ou dans le Cantal. L’inspiration pour faire une grille de loto en sirotant son demi au comptoir y gagne ce qu’y perd la poésie de la connaissance géographique…

 

Les cuisinistes ne sont pas concernés parce qu’ils n’emportent pas leur magasin sur les routes de nos belles régions, mais aussi parce que, à l’inverse de l’ensemble de la population française, ils sont devenus globalement plus instruits qu’il y a 30 ans. En effet, le niveau d’étude de la population sectorielle a progressé, la plupart des cuisinistes ayant désormais  le baccalauréat, niveau requis pour suivre les formations spécialisées de concepteurs vendeurs, débouchant sur un certificat de qualification professionnelle et dispensées par l’Afpia de Lyon, le centre de Fougères, la CCI d’Arles, ou le CFA-CFP Sainte-Catherine du Mans. Sans passer forcément par ces filières, d’autres futurs agenceurs vendeurs sont diplômés de niveaux Bac +2 (BTS) voire supérieurs, avant d’intégrer le centre de formation d’une enseigne nationale de cuisine, ou de se former sur le tas chez un cuisiniste indépendant chevronné. De plus, le développement de la franchise dans la distribution de cuisine équipée y apporte des profils qualifiés, issus parfois d’autres univers que le commerce.      

 

On pourra rétorquer que la population du secteur reste relativement âgée, la difficulté à attirer des jeunes candidats posant même un problème de vieillissement démographique (relatif en réalité, comme le démontre l’âge moyen, inférieur à 45 voire 40 ans, des effectifs dans les jeunes enseignes spécialisées). Il n’empêche : la population de première génération a, elle aussi, vu son niveau de culture général s’élever au cours des dernières décennies même. La raison réside cette fois non dans une hausse du niveau scolaire (elle n’a pas pris de cours du soir), mais dans un enrichissement qui lui a permis d’acquérir une meilleure vision du monde et de son évolution en voyageant à l’étranger lors ses congés, comme elle réside dans un usage profitable des nouvelles technologies de l’information et de la communication (Internet au premier chef) leur apportant, de manière active ou passive, un flot de connaissances utiles, directement ou non, dans l’exercice quotidien de leur métier de cuisiniste, ceci d’autant plus qu’ils sont plus nombreux à s’ouvrir au métier connexe et plus large d’agenceur de l’habitat, dont les tendances dépendent d’une plus grande variété de facteurs esthétiques et sociologiques. La culture générale ne s’acquiert heureusement pas sur les seuls bancs de l’école et, s’ils peuvent sembler d’un impact marginal ou anecdotique, les voyages physiques sur la Terre et le surf numérique sur la Toile sont une source insoupçonnée d’informations dans divers domaines, y compris macro et micro économiques, liées au champ sociologique, donc culturel (CQFD), permettant d’améliorer la qualité d’échanges avec les prospects et clients.  Il serait erroné de la négliger. Bien sûr, des cuisinistes ne franchissent jamais nos frontières, ni même les portes de leur magasin, et ne maitrisent rien sur Internet, mais leur nombre diminue chaque année (en témoigne le succès croissant de ce site d’informations professionnelles). De fait, en nourrissant ses réflexions sur des sujets divers afin de mieux s’inscrire dans la modernité toujours plus interconnectée entre les secteurs d’activité, la majorité des cuisinistes élève ainsi le niveau général d’instruction de leur profession.        

 
 

* A (re)lire aussi, en cliquant sur le lien ci-dessous, l’édito du premier numéro de Culture Cuisine, alors en format imprimé et qui, en résonnance et anticipation avec le constat ci-dessus, précisait la vocation de ce magazine créé en 2006, et devenu depuis 2009 le site d’informations de référence de la filière professionnelle de la cuisine équipée et des cuisinistes.

La cuisine est une culture (mais qui la défend vraiment ?)

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