Ammyl Plans en redressement judiciaire

Actualités - 20 mai 2014

On croyait, un peu hâtivement et très naïvement, que les entreprises de fabrication de plans de travail étaient protégées de la crise économique que subit l’industrie française participant à l’univers de la cuisine équipée, et qui a été marquée par une série noire de disparitions d’entreprises depuis 2010 (l’hémorragie semblant épargner le secteur au premier semestre). Cette croyance n’était pas absurde, motivée par l’engouement de la presse déco pour les plans de travail, suscitant le même enthousiasme chez les consommateurs, acquéreurs d’une nouvelle cuisine ou simplement désireux de lui donner une nouvelle jeunesse. Notons en aparté que, d’une part, ce sont les aspirations de ces mêmes particuliers sensibles à la déco qui ont autant motivé, dans l’autre sens, la presse déco à en parler et que, d’autre part, c’est également l’accent mis sur les plans de travail dans les discours de séduction des cuisinistes, puis de la grande distribution spécialisée, d’Ikea à Darty Cuisine qui a provoqué cet enthousiasme.

 

De fait, pourquoi la filière se serait-elle en effet privée d’un nouvel argument de vente, profitable à l’ensemble de ses acteurs ? En effet, considérés encore dans les années 1990 comme certes utiles mais non déterminants dans l’acte d’achat d’une cuisine (à la façon des éviers), les plans de travail ont progressivement pris le statut dont étaient parés les appareils encastrables et qu’ils ont perdu en étant majoritairement revendus par d’autres circuits de distribution que les cuisinistes (les GSS, Darty en tête, puis les sites Internet) : celui d’éléments incontournables de distinction à la fois décoratifs et fonctionnels, permettant aux cuisinistes de faire valoir leurs compétences de spécialistes en termes de choix et de conseils, d’apporter ainsi un supplément naturel et important de chiffre d’affaires en appliquant des marges appréciables au regard des temps et contraintes de pose, tout en répondant à la forte demande consumériste. Il y a 20 ans, en incitant ses clients d’opter pour de l’électroménager haut de gamme, un cuisiniste pouvait compenser la baisse de leur budget accordé à l’achat des ensembles de meuble qui ne représentaient dès lors plus que 50 % voire 40 seulement du montant global investi. De telles proportions se retrouvent aujourd’hui par l’effet de ciseau généré par la baisse du prix moyen des ensembles de cuisine et la volonté des consommateurs de distinguer leur acquisition en la dotant d’un plan de travail plus cossu. L’offre actuelle du marché montre ainsi que des modèles de cuisine et des plans de travail de taille standard vendus au même prix de 2000 ou 3000 euros.

 

La variété accrue – et qui n‘a jamais été aussi large - des matériaux employés n’explique pas à elle seule cette évolution. Dans les années 1980, il se vendait déjà des plans de travail en granit ou en bois massif et le Corian existe aussi depuis longtemps. Or, l’arrivée depuis 10 ans de nombreux nouveaux acteurs, proposant tous ces matériaux, et bien d’autres encore, auraient dû engager une baisse des prix, ce qui n’a pas été le cas, toujours pour les mêmes raisons de forte demande consumériste. Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes du plan de travail, jusqu’à l’annonce de la mise en redressement judiciaire d’Ammyl Plans, décidée la semaine dernière par le Tribunal de commerce d’Angoulême. A vrai dire, cette annonce ne fera pas l’effet d’un coup de tonnerre dans le landernau de la cuisine, cette société étant un acteur de taille modeste dans le tissu hétérogène, où les industriels et les marques de distributeur côtoient les artisans, et très concurrentiel de la fabrication de plans de travail. Il n’y a qu’écrire « plans de travail » dans la barre de recherche de Google pour prendre la mesure de l’offensive menée par Ikea, Leroy Merlin, Lapeyre, Mobalpa, etc.        

 

L’impact aurait été autrement plus significatif si cette annonce avait porté sur un leader du secteur, tel que Cosentino ou Corian. Situé à Tourriers en Charente, Ammyl Plans a réalisé environ 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires lors de son dernier exercice, ce qui s’est révélé insuffisants au regard de sa masse salariale (une vingtaine de personnes) et surtout de la pression sur les prix et sur les marges exercée par une concurrence accrue, chacun souhaitant maintenir – au moins – ses parts sur un marché qui se stabilise - au mieux - depuis 5 ans. A moins d’être solides comme le sont les plus grosses firmes du secteur, ou de se spécialiser dans un segment d’offre et un matériau échappant davantage à l’hyper concurrence jouant dans les solid surfaces (résine de synthèse à charge minérale) ou en stratifié (à l’instar de Flip Design pour le bois massif), les fabricants de plans de travail risquent bien d’avoir mangé leur plan blanc, après avoir connu une décennie dorée. Fondée en 2003 par Michel Marty, ancien directeur de l’usine Domoform de Montmorillon (86), Ammyl Plans aura tenté de se développer ou de résister à un inéluctable mouvement général (selon que l’on voit la bouteille à moitié pleine ou vide) en ajoutant à son offre originelle de plans de travail stratifiés sur mesure, des plans de travail en stratifié compact, en granit, en quartz, en céramique et en inox. Comme l’a rappelé notre confrère L’officiel des cuisinistes, à l’occasion du 10ème anniversaire de la société, en 2013, son fondateur avait laissé sa place à son fils, Frédéric Marty, qui a repris l’entreprise avec son cousin, Thomas Picard, auparavant responsable commercial de l’entreprise. Son placement en redressement judiciaire peu de temps après cette succession pourrait être ainsi l’arbre qui cache la forêt.

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