Un trou démographique dans la cuisine

Actualités - 05 avril 2016

Un trou démographique dans la cuisine

A l’heure où le marché du travail tente de se réformer sous une salve de contestations de la part des jeunes (et moins jeunes), il est un secteur qui offre encore des perspectives, la cuisine. Parmi ses métiers, la vente. Pourtant, au détour de conversations, le cuisiniste Olivier Lesecq, gérant du showroom parisien L’Atelier Marthe, nous a fait part d’un constat personnel : un « trou démographique » dans les forces de vente. Les 30/40 ans ont-ils déserté ?

 

Culture Cuisine : Vous semblez dresser un constat, partagé par certains de vos confrères parisiens, concernant les difficultés de recrutement d’un certain profil dans la vente. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Olivier Lesecq : « Nous rencontrons certaines difficultés à recruter des vendeurs trentenaires et quadragénaires. Dans l’environnement des cuisinistes, un certain nombre est proche de la retraite et le renouvellement se fait soit avec des plus de 50 ans soit avec des très jeunes, entre 20 et 30 ans maximum. Il est difficile d’en expliquer les raisons, mais 15 à 20 ans en arrière, à la fin des années 90 et au début des années 2000, les jeunes évoluaient dans d’autres secteurs professionnels. Le secteur de la cuisine recrutait très peu de jeunes et employait essentiellement des trentenaires déjà qualifiés. Les vendeurs qui sont restés dans le milieu ont donc aujourd’hui 45-50 ans. Très concrètement, je pense également que les jeunes de 20 ans qui étaient dans la cuisine au début des années 2000 en sont sortis avec la crise qui a aussi touché notre secteur en 2007/2008 et ce, jusqu’en 2010. D’autant plus que les écoles de formation du secteur créées depuis par certaines grandes enseignes (Schmidt et Mobalpa par exemple) n’existaient pas encore à l’époque. Les moins de 30 ans ont donc pu s’orienter vers d’autres branches, tandis que les vendeurs déjà bien installés dans la profession y sont restés. C’est en tout cas une hypothèse plausible.

 

Culture Cuisine : Parmi eux, il y a les trentenaires d’aujourd’hui qui font partie de ce que l’on a désigné  la « génération Y », décrite comme hyper connectée, impatiente, questionnant une certaine idée de la hiérarchie et en recherche d’un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Pensez-vous que cet aspect sociologique et ces nouvelles attentes puissent expliquer leur infériorité numérique dans la vente ?

Olivier Lesecq : « Tout à fait ! C’est pour cela que je pense que s’ils ont commencé dans la cuisine au début des années 2000, avec les difficultés qui sont arrivées à ce moment-là, ils ont pu quitter le secteur très rapidement. Si je me projette 10 ans en arrière, je me souviens effectivement avoir fait le constat avec certains confrères qu’ils voulaient « tout, tout de suite » sans fournir forcément un plus grand investissement ; leurs attentes et les contraintes inhérentes au métier, doublées de la crise peuvent expliquer ce « phénomène » actuel. Ces jeunes ont pu s’orienter sur d’autres secteurs comme l’immobilier aux méthodes de vente différentes et sans doute plus lucratives, offrant également des perspectives d’évolution rapides. Il est vrai qu’en outre, dans la cuisine, se présente très souvent la contrainte de travailler le samedi voire le dimanche dans certaines enseignes et à l’occasion de certains événements. Sans parler du fait que la cuisine est un produit complexe. Pour attirer ces profils plus jeunes mais expérimentés, il faut favoriser une autre approche de la cuisine, moins axée sur la vente mais davantage sur le produit ; bref, une approche plus « technicienne » et en lien avec la décoration. Aujourd’hui, il existe encore des magasins de cuisine orientés sur la vente pure et moins sur l’agencement, axés sur le volume et l’attractivité du prix, surtout en période de crise, d’où le succès du low-cost dans la cuisine. D’ailleurs, le low-cost et la grande distribution en général ne sont sans doute pas concernés par ce « trou démographique » dans les forces de vente. Mais très peu de vendeurs font leur carrière dans le low-cost, à mon sens. Avec cette génération des 30/45 ans, nous faisons aussi un autre constat : elle privilégie les postes d’encadrement voire de direction plutôt que la vente. Nous le constatons notamment dans les reprises d’affaires familiales ou dans les créations de nouveaux magasins. Forcément, cela ne répond pas aux mêmes attentes ni aux mêmes ambitions, et il est donc difficile de recruter ces profils à des postes de vendeurs. » 

 

Propos recueillis par Vanessa Barbier

 

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