Rien de nouveau sous le soleil, répète l’Ecclésiaste. Dans les meubles de cuisine non plus, ajouteront les profanes et les connaisseurs de l’évolution de l’équipement dédié à cette pièce cruciale des foyers domestiques. Car, dès les années 1920, des industriels concevaient déjà des meubles ultra fonctionnels, dont les ensembles nommés « Tout en ordre » qui réduisaient de trois quarts les déplacements !
Publié aux éditions bruxelloises AAM, sous la plume érudite d’Emmanuel Collet, La cuisine. Mode de vie, de l’ombre à la lumière, est un ouvrage remarquable dont nous avons déjà fait la chronique élogieuse. Aussi maniable dans son format que riche en information dans ses pages, il invite le lecteur à un voyage dans le passé pour retracer les grandes étapes de l’évolution de la cuisine équipée. L’ergonomie, sujet de recherche et valeur reine de cette pièce de l’habitat, y est notamment abordée, avec l’apparition des appartements de taille modeste souvent installés aux étages des maisons unifamiliales. et qui posait alors la question de la place et du rangement.
Pour y répondre pleinement, des industriels belges, imaginatifs et suffisamment audacieux pour rompre avec les codes du mobilier de l’époque, ont conçu dès les années 1920 des meubles ultra fonctionnels. Témoignant de leur finalité, certains ensembles étaient nommés "Tout en ordre”. De fait permettaient-ils de ranger dans une seule armoire tout ce qui est utile dans une cuisine. Cette innovation pratique était en accord avec les mœurs de la période, selon lesquelles, dans les maisons bourgeoises, il convenait de soustraire au regard les lieux de l’intimité que sont la cuisine, ainsi que la salle de bains et la chambre (ces deux pièces disposant également de meubles de même vocation).
Un tel résultat avait nécessité des recherches poussées en matière d’ergonomie et d’optimisation des volumes afin d’intégrer non seulement tous les ustensiles, mais aussi, parfois, la cuisinière le réfrigérateur et l’évier dans un volume très réduit (120 cm de large, 200 cm de haut et 60 cm de profondeur) avec ventilation et prise de courant. Ceci, soulignons-le, bien avant les blocs tout inclus de certains industriels allemands.
Dans les années 1940, une réclame (on ne disait pas publicité à l’époque) des ensembles ou armoires “Tout en ordre” vantaient la possibilité d’y avoir « une place pour chaque chose, chaque chose à sa place », et de « réduire de trois quarts le kilométrage effectué chaque jour par la personne s’occupant de la cuisine. » Faisant encore démonstration de l’avant-gardisme dans la modernité en combinant les arguments d’écologie et de fonctionnalité, la même réclame soulignait « l’utilisation de matériaux durables et solides - les portes de meubles se fermant 30 000 fois par an. »
Divers fabricants reprennent aujourd’hui les mêmes arguments, l’armoire coffre (visuel ci-dessus) proposée par Bulthaup présentant de grandes similitudes avec celles “Tout en ordre” conçues par les fabricants belges il y a un siècle, jusqu’à la sobre présentation « Tous les ustensiles à portée de main » sur le site internet du fabricant allemand haut de gamme.
Jérôme Alberola
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