Ou dès lors, si vous pensez nécessaire de consulter un orthophoniste… Plus sérieusement, la Cité du design accueille une exposition hors-les-murs du Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole. Sur la thématique de la maison, elle propose une immersion dans les usages et modes de vie des années 1930 à aujourd’hui. Et rappelle comment le taylorisme a influencé la cuisine domestique en la rendant ergonomique et fonctionnelle.
Dans la France des années 1950, les architectes de la reconstruction s’emploient à rationnaliser la cuisine en s’appuyant sur les expérimentations de la période d’avant-guerre, notamment américaines, inspirées du taylorisme. Développé en 1911 par l’américain Frederick Winslow Taylor, cette méthode théorique désigne une organisation scientifique du travail (OST) visant à obtenir des conditions propres à fournir le rendement maximum. Le constructeur automobile Ford l’appliqua sur ses chaines de montage, générant l’antonomase « fordisme ».
De fait, telle une usine, la cuisine est conçue au milieu du XXe siècle comme un espace fonctionnel qui doit limiter les gestes et les pas inutiles. Les meubles considérés comme superflus disparaissent, à l’exemple de la table au profit du plan de travail. Cette pièce, pensée pour une personne qui y travaille debout et seule, est symptomatique de la condition féminine à cette époque : la crise du personnel de maison a engendré un pourcentage élevé de femmes au foyer, dans toutes les classes sociales confondues.
La surface se réduit alors que les équipements prolifèrent et se généralisent grâce à la publicité. La cuisine moderne fait la part belle au réfrigérateur, symbole de cette Amérique prospère fantasmée. À partir des années 1970, le volume des réfrigérateurs et des congélateurs augmente afin de conserver les produits frais, cuisinés et surgelés vendus
dans les rayons des grandes surfaces. La démocratisation de ces deux appareils dans les foyers a considérablement changé les modes de vie des Français - des Françaises plus particulièrement - en ne les obligeant plus à faire leurs courses alimentaires quotidiennement, mais d’espacer la fréquence des achats en les groupant. A participé parallèlement à cette évolution sociologique l’essor (record dans l’Hexagone) des super puis hypermarchés avec leur caddie volumineux et leur parking attenant pour s’y rendre en voiture, autre symbole de liberté.
Dans nos intérieurs contemporains, la cuisine redevient alors un espace de convivialité, où le stockage des denrées et les équipements nombreux sont toujours valorisés et continuent d’être développés pour répondre à l’évolution de nos besoins, comme aujourd’hui avec le tri des déchets.
Ce n’est toutefois pas une cuisine française que les responsables de l’exposition ont mis en avant pour illustrer cette évolution, mais une allemande, l’industrie germanique dominant déjà les débats. Et le communiqué de préciser : « les éléments modulaires de la cuisine équipée Système 20 (visuel en haut à droite), conçue par Bulthaup Design Intégré à partir des analyses d’Otl Aicher, répondent à ces aspirations et permettent à ses usagers d’acheter les composants en fonction des besoins. »
On consolera avec nostalgie notre fierté tricolore avec ie Robot-Charlotte créé en 1960 par Moulinex qui lui aussi fait évoluer la vie domestique et la condition des femmes utilisatrices (visuel ci-dessus: ©Yves Bresson/MAMC+)
J.A
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