On sait que les magasins de cuisines équipées ont un avantage que n’aura jamais aucun site de vente en ligne ou aucun vendeur en chambre, nom paradoxalement donné aux commerciaux proposant des cuisines chez les particuliers, en leur montrant des échantillons de coloris, voire de façades et des catalogues rangés dans une mallette. Un avantage que les magasins d’électroménager, petit ou gros, n’ont pas, les conduisant à subir la concurrence des mêmes sites de vente en ligne : les consommateurs aiment non seulement voir les ensembles de cuisines en grandeur réelle, mais ils veulent aussi en toucher les façades et plans de travail pour apprécier la qualité de leur surface, manipuler leurs tiroirs, ouvrir et actionner leurs carrousels pour tester leur fonctionnalité et solidité. Bref, pour se projeter concrètement dans leur future vie domestique.
C’est peut-être ce qui animent les consommateurs chinois qui piquent un somme sur les lits et les canapés des magasins Ikea. Et c’est en tout cas ce qui a motivé les responsables de l’enseigne suédoise à réagir de la manière la plus formelle qui soit : l’interdiction ! Explications données par Le Figaro :
« Depuis l'ouverture de ses premiers magasins en Chine en 1998, Ikea s'est illustré par une grande tolérance vis-à-vis de ses clients. Les Chinois souffrant d'un petit coup de fatigue, s'offrent des siestes sur les lits et dans les canapés d'exposition, certains n'hésitant pas à retirer chaussures et chaussettes pour se glisser sous les couettes. De nombreux employés de bureau avouent qu'Ikea fait désormais partie de leur quotidien, leur offrant une bouée de sauvetage pour supporter une journée de travail harassante : ils se rendent dans les magasins situés à proximité de leur entreprise à l'heure du déjeuner pour s'y offrir un petit somme (…) Le numéro un mondial de l'ameublement vient d’interdire de dormir dans les lits d'exposition et autres canapés de show-rooms de ses magasins en République populaire de Chine, dans une circulaire relayée par le Quotidien du Peuple. Cependant, les employés de la chaine doutent de parvenir à faire régner la discipline ».
C’est que la répression des mœurs locales n’est pas forcément plus efficace que le laxisme et qu’il faut bien faire acte de real politik en matière commerciale aussi dans le pays le plus peuplé du monde, tiré par l’une des croissances les plus fortes (encore que freinée depuis plusieurs mois) et qui est devenu en quelques années l’un des premiers marchés pour Ikea. L'année dernière ; le géant scandinave y a ainsi ouvert trois nouveaux magasins, portant le total à 13 et faisant grimper ses ventes de 17 %. Vu sous un autre angle, les dirigeants de l'entreprise en Chine redoutent désormais que les « squatteurs » nuisent à leurs affaires en dissuadant les acheteurs potentiels de venir pousser des coudes pour jauger les meubles et faire leur choix sereinement en literie comme dans d’autres rayons qui sont les lieux de comportements pour le moins étonnants, précisés par le quotidien français :
« Au fil des années, les magasins Ikea sont devenus un lieu de distraction très prisé par les Chinois, sorte de parc d'attraction en ameublement à l'occidentale. (…) Des clients s'avachissent dans les canapés pour regarder la télévision, où font jouer leur progéniture dans les chambres pour enfants en buvant des cafés gratuits. (…) L'année passée, une grand-mère avait fait scandale en faisant uriner son enfant, debout sur un lit, dans une bouteille en plastique. D'autres n'hésitent pas à faire déféquer leurs rejetons dans les poubelles… Les toilettes d'exposition sont obstruées par des plaques de verre: de trop nombreux clients avaient choisi d'ignorer qu'elles n'étaient pas raccordées au tout à l'égout ». On est loin des ludiques parties de cache-cache que l’enseigne suédoise a proscrites dans ses magasins aux Pays-Bas, le mois dernier (jeu stérile, en réalité, car il est facile de se perdre ou de perdre quelqu’un provisoirement dans le parcours labyrinthique de ces immenses surfaces de vente).
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