Quelle crédibilité accorder aux trophées du Sadecc ?

Actualités - 16 avril 2013

 

Dans un monde en voie de conformisme où la pensée devient unique ou chloroformée, certaines polémiques peuvent être saines, si elles posent des questions qui évitent de prendre tout ce qui brille pour de l’or, des promesses de dons pour argent comptant, ou encore des vessies pour des lanternes (rayez selon votre humeur du moment). Contrairement à celle qui secoue l’Etat à son sommet suite aux aveux d’évasion fiscale d’un ex-ministre censé la combattre il n’y a pas si longtemps, la polémique qui est née au Sadecc connaitra probablement une existence éphémère, emportée par la plus importante urgence quotidienne des acteurs de la cuisine (fabricants et distributeurs) à dynamiser leur activité malgré les vents contraires et les bourrasques contrastant avec le ciel - enfin – ensoleillé qui a dominé la manifestation lyonnaise.

 

Pour être honnête, la controverse ne concerne qu’une partie de la presse professionnelle et grand public qui, le week-end dernier, a arpenté les allées de cette quatrième édition du salon dédié aux acteurs de l’équipement de cuisine domestique. Le débat ne porte pas sur la réussite ou non de cette session 2013 qui, sans parvenir à réunir les leaders de la production/distribution de mobilier (marques enseignes de la Salm et du groupe Fournier, Nobilia) ni les entités du groupe Snaidero (Snaidero, Arthur Bonnet, Comera, Cuisines Plus, Ixina) ou les marques allemandes haut de gamme (Poggenpohl, Siematic, Bulthaup), a tout de même rassemblé un plateau de choix de la production française, allemande et – à moindre degré – italienne de cuisines. En attirant aussi les grandes marques d’appareils encastrables et de produits connexes (plans de travail, éviers, etc.), le Sadecc a le mérite d’exister comme rendez-vous professionnel de la filière cuisine en France, et de se montrer suffisamment attractif pour conduire, en période de crise, les fabricants à investir des montants forcément conséquents pour y exposer. La satisfaction qu’en ont tirée à nouveau les industriels allemands les plus dynamiques du marché français (Nolte, Häcker, Schüller qui nous l’ont déclaré lors d’interviews à paraître), malgré une fréquentation en V (bonne le premier et le dernier jour), est un indice de l’utilité de la manifestation, au-delà du débat de savoir si son rayonnement s’étend à tout ou partie du territoire national.   

 

L’intérêt des Trophées qui y sont décernés n’est pas non plus à remettre en cause. Mais certains de confrères se sont étonnés de la composition du jury délibérant cette année. Etonnement de salon dans les deux sens du terme en réalité, puisque se produisant en voix off ou mezza vocce et auquel, pour le partager et estimer son fondement légitime, nous avons décidé de donner écho. Le propos n’est pas de juger tel membre du jury inapte à récompenser les ensembles de cuisines, les plans de travail ou les équipements intérieurs les plus réussis esthétiquement et innovants techniquement. Gérard Laizé, directeur général du VIA, et Anne-Marie Sargueil, présidente de l’Institut Français du Design, ont bien sûr un regard éclairé sur le design, mais on ne peut que s’interroger sur l’absence (à l’exception de notre confrère Olivier Waché, du supplément semestriel Vivre Côté Cuisines & Bains) de journalistes de la presse spécialisée en cuisine, parmi les 8 autres membres du jury. Etaient en revanche représentés deux médias spécialisés en électrodomestique et électronique grand public, quatre médias TV, presse et Internet de la décoration et de l’aménagement de la maison, et un site Internet dédié aux évolutions des modes de vie culinaires des Français.

 

Une faible représentativité des dossiers de produits candidats est également à regretter, parce qu’elle relativise la pertinence des récompenses : sur la trentaine qui exposaient aiu Sadecc, quatre fabricants de cuisines (dont aucun allemand) seulement ont concouru dans la catégorie « Meubles – Design » dont deux ont été primés ; et deux ont reçus un prix sur les trois fabricants de cuisines seulement encore qui s’étaient alignés en « Meubles – Innovation ». De même, on peut estimer, comme d’autres journalistes, que le système d’ouverture Tipmatic de Grass ou l’Arcitech de Hettich avaient toute leurs chances s’ils étaient inscrits dans la catégorie « Fournisseurs de l’industrie ». Il serait toutefois injuste de jeter le bébé avec l’eau du bain et d’en conclure que les produits distingués cette année ne méritaient pas de gagner. On pense notamment à la hotte e-ion de Falmec dans la catégorie « Appareil électroménager – Innovation » et à laquelle nous avions consacré un article en septembre dernier, ou encore aux nouveaux fours de la série 200 à fleur de meuble Gaggenau, dans la catégorie « Design ». Il n’empêche : l’aréopage n’aurait-il pas délivré des jugements davantage  guidés par une expérience des évolutions de la cuisine et une connaissance de ce qui séduit les consommateurs, s’il avait compris dans ses rangs nos confrères et consœurs de Cuisines & Bains Magazine, Réponse Cuisine, Cuisines + Bains Tendance que nous avons croisés dans les allées du Sadecc ? Serait-il logique et légitime que les rédactions de ces magazines et celle de notre site Internet se voient confier la responsabilité de mettre à l’honneur des téléviseurs ou des tablettes tactiles aux dépens d’autres moins appréciés, et seraient-elles plus pertinentes dans ce rôle que des journalistes spécialisés en électronique grand public ? A trop vouloir prêcher la diversité de cet univers complexe qu’est la cuisine, les organisateurs du concours au Sadecc n’ont-ils pas oublié l’essentiel, qui réside dans l’exigence d’un savoir-faire pointu pour bien l’appréhender (ce qui distingue les cuisinistes des grandes surfaces généralistes), risquant ainsi de réduire la crédibilité des trophées, déjà relative en raison de la subjectivité incontournable qui trouble tout choix personnel ?  

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