Les bons chiffres font-ils un modèle ?

Actualités - 21 févr. 2012

Cela ne surprendra personne : l’industrie du meuble allemand a vu son chiffre d’affaires progresser l’an passé de 5,9 % pour atteindre 4,039 milliards d’euros, selon l’estimation du service fédéral des statistiques (VdDK). On pourra en revanche s’étonner que la hausse soit plus prononcée sur le marché intérieur (+ 6,8 % jusqu’à 2,562 Mrd. €) que dans les ventes à l’étranger avec + 4,57 % (1,476 Mrd. euros). En effet, toute performante soit elle, en réalité précisément parce que ses usines géantes sont très productives, l’industrie germanique de mobilier de cuisine, comme celles des autre secteurs d’acticité (dont l’automobile et le bâtiment au premier chef) doit se nourrir de ses débouchés à l’exportation pour s’épanouir en justifiant sa stratégie de volumes et sa taille exigeante en besoin (énergétiques, salariaux, parc machines). L’écart des deux progressions constatées n’a pas de quoi affoler de l’autre côté du Rhin, comme le précise notre confrère Möbel Kultur : « bien que le taux d’exportation retombe ainsi à 36, 62 %, estime le directeur Lucas Heumann de VdDK, le développement à l’étranger est positif, les entreprises du fond de l’euro-crise de l’endettement et la récession dans certains pays a eu des effets d’éviction. Ainsi l’industrie de meubles de cuisine allemande s’est confirmée comme plus efficace et productive ».

 

A côté de cela Lucas Heumann souligne le développement positif de la conjoncture intérieure,  notant  qu’à la différence du passé, la courbe de consommation des Allemands a augmenté distinctement. « En outre, le secteur de meuble profite d’un boom des biens immobiliers », motivée par un accroissement de la demande sur le marché de la rénovation, en particulier dans des quartiers populaires, le tout se soldant en 2011 par une hausse de 25 % des permis de construire.

 

Si les responsables de l’enquête statistique avouent ne pas être en mesure d’affirmer la poursuite de cette évolution positive durant l’année 2012, ils signalent, en s’appuyant sur les déclarations de la distribution, que ce nouvel exercice a débuté sous de bons auspices. 

 

On se gardera cependant de tout regard béat ou envieux posé sur la situation allemande. Contrairement aux allégations, souvent idéologiquement partisanes et dispensées à l’envi ses derniers mois par des responsables politiques français, ériger ce qui se produit de l’autre côté du Rhin en modèle à suivre traduit une vision tronquée et/ou enjolivée de la réalité. Quelques émissions de TV et radio, ou quelques analyses dans la presse écrite, ont récemment rappelé que certains Allemands considèrent le système socioéconomique français comme un modèle. Et d’étayer leur thèse par le développement de la précarisation provoquée par la forte baisse sur les salaires au cours des dernières années, justifiée par ses promoteurs comme le seul moyen de ne pas être en crise, et qui a conduit à la multiplication des petits boulots à 400 ou 500 euros/mois. Or, moins de revenu égale moins de pouvoir d’achat… de cuisines.  Ceci s’aggravant par la baisse annoncée du nombre de consommateurs en raison de la courbe
démographique négative.  Pour revenir à la cuisine, on doit aussi rappeler qu’en dépit de défaillances de certaines de ses entreprises, cédant une partie de leurs parts de marché à des concurrentes compatriotes, l’industrie française a sans doute enregistré elle aussi une hausse de c.a global (entre 4 et 7 % selon les estimations et recoupements de déclaratifs). Reste qu’elle est bien moins performante à l’export…    

 

En France, le dicton rappelle que l’herbe est toujours plus verte ailleurs. Les Allemands se plaisent quant à eux à dire depuis plusieurs siècles : « Glücklich wie Gott in Frankreich », soit : heureux comme Dieu en  France. Il n’y a pas de pays de cocagne et on doit se souvenir que la puissance de l’industrie allemande de cuisine dans les années 1990 ne l'a pas protégée d'une crise profonde qui a coûté leur rang - et plus encore – à ses deux leaders de l’époque qu’étaient les groupes aux nombreuses marques Alno et Welmann, ceci en dépit de leur fusion au début des années 2000. Entre temps, Nobilia les a remplacé sur le trône et galopant dans un système de distribution favorisant sa stratégie, son chiffre d’affaires a progressé de 8,6 % en 2011 pour atteindre quelque 850 millions d’euros, dont 325 millions € à l’exportation

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