Le triomphe de la politique… de marque et du réseau

Actualités - 25 juil. 2012

Notre article de cette semaine Bilan semestriel : la cuisine entre chaud et froid se termine en évoquant le fait que les professionnels de la filière cuisine ont actuellement des raisons s’inquiéter et des motifs d’espérer. Les premières sont de nature conjoncturelle et exogène : l’économie dans son ensemble ne va pas pour le mieux. La hausse du chômage se poursuit, et va même en s’accélérant avec les plans sociaux massifs taillant dans les pans de notre industrie (PSA récemment, mais pas seulement). On en connait les effets néfastes sur la consommation qui se rétracte par baisse mécanique du nombre de Français désireux d’investir, a fortiori dans des biens d’équipement importants que l’on peut différer à des jours meilleurs, tel que la cuisine. Plus grave est sans doute l’impact sur les esprits : le gonflement des inscrits à Pole Emploi rend plus frileux l’ensemble de la population encore active qui se tourne vers l’épargne, réservant son argent aux produits de consommation les plus impérieux (ou considérés comme tels, cf. les smartphones et leurs applis toujours plus nombreuses et futiles). La contamination des esprits est ainsi plus dangereuse parce que, cause et non plus conséquence de la crise, elle génère à son tour des dégâts dans l’ensemble des secteurs économiques qui sont interdépendants, provoquant un effet domino préjudiciable à la cuisine. Les doutes, voire les craintes quant à l’avenir, se traduisent par le durcissement des conditions de crédits accordés aux Pme et aux particuliers, donc par un frein des investissements notamment en immobilier, donc par moins de pièces cuisine à équiper.

 

Le tableau est sombre mais il n’est pas noir pour autant. Car la cuisine secrète en son sein des motifs d’espérer. Ces facteurs endogènes peuvent ainsi compenser la dérive macroéconomique, voire  maintenir un taux de croissance sectoriel déjà obtenu dans des conditions aussi pénibles au cours des dernières années. Car la cuisine demeure un espace de référence dans l’esprit des Français (et on a vu l’importance du symbole dans le paragraphe précédent) comme dans leur vie quotidienne. Elle continue d’avoir la faveur des médias, par le biais d’émissions culinaires de télé-réalité notamment qui lui assurent un large capital de sympathie branchée. Elle est enfin la famille de l’habitat qui réalise les meilleurs scores de ventes, et celle qui, avec le groupe Fournier et la Salm, compte les firmes industrielles les plus performantes de l’ameublement français et celles qui ont le plus progressé au cours des 15 dernières années. Le même constat pourrait s’appliquer de l’autre côté du Rhin, avec les progressions et la taille gigantesque atteinte par Nobilia ou Nolte Küchen. Enfin, il faut rappeler que la croissance d’Ikea, leader mondial de l’habitat, doit beaucoup à la cuisine dans les divers pays où ses vastes magasins sont implantés.      

 

Ces géants représentent divers segments de gammes et types de distribution, mais tous ont en commun de défendre une politique de marque cohérente avec leur positionnement et leurs ambitions affichés. Cela suppose la mise en œuvre de moyens de production performants permis par des investissements réguliers et conséquents. Cela suppose aussi des efforts de communication à destination de la filière professionnelle dans laquelle ils entendent se développer et vers les consommateurs qu’ils espèrent séduire. Certes, la chose est moins claire pour Nobilia qui pourrait apparaître comme un contre-exemple flagrant, en raison de sa stratégie de commercialisation en no-name par le plus grand nombre d’enseignes généralistes ou spécialistes de la cuisine. En réalité, le leader allemand répond aux deux conditions principales évoquées ci-dessus et, quoi que l’on puisse penser de son omniprésence (qui crée toutefois ses propres limites à mesure qu’il se développe), sa cohérence ne peut être mise en défaut : il a fait le choix assumé de fournir dans l’ombre tout un circuit de distribution qu’il avait, avant les autres, estimé comme l’un des plus porteurs ; à cet effet, il  a investi des sommes importantes dans des usines parmi les plus performantes d’Europe en termes d’automatisation et de volume de cuisines fabriquées, se libérant ainsi des fortes marges de production pour mieux écouler ses produits.

 

Les autres acteurs cités ont fait de même, mais de manière moins extrême, mais ils s’appuient quant à eux appuyés sur la constitution d’un réseau défendant leurs couleurs et qu’ils soutiennent en retour en renouvelant régulièrement les gammes, en communiquant auprès du grand public (mais aussi des professionnels pour renforcer leurs réseaux) et en assurant des formations pour chaque poste en magasin. Et de fait, réussir une véritable politique de marque suppose aussi de développer une réelle communauté de réseau national confortant le bien-fondé d’y appartenir (ou de le rejoindre) et d’en respecter la philosophie (y compris tarifaire) pour chaque membre distributeur. Les fabricants, français ou étrangers, qui ont appliqué cette stratégie ont mieux résisté aux incertitudes de la conjoncture. C’est aussi le cas d’Agensia/Demeter qui a conforté son rang de premier groupement de cuisinistes indépendants de l’Hexagone, avec plus de 350 magasins adhérents. A l’inverse, ceux qui ont fait l’impasse sur ces investissements ont perdu en notoriété et/ou parts de marché ; ils ont surtout entretenu une position floue à coup d’absence de prix faussement cassés, d’identité noyée dans des gammes no name et dans une absence de communication vers la filière cuisine

              

Le report des investissements d’une partie des Français pour la cuisine n’est pas leur abandon. Leur réalisation ultérieure participera à l’amélioration de la conjoncture économique qui en retour favorisera ces mêmes dépenses budgétaires. Le délai d’une telle inversion de tendance, à défaut d’un véritable renversement durable, en vertu du rythme actuel d’alternance des cycles (cf. notre article Bilan semestriel : la cuisine entre chaud et froid) sera plus lisible une fois passée la rentrée sociale de septembre. Elle devrait être moins houleuse, tendue et anxiogène pour les consommateurs que celle annoncée en cas de victoire présidentielle et législative de l’ancienne majorité qui aurait elle aussi, et de surcroît, subi la dégradation économique. Une autre raison d’espérer…      

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