Ce visuel est une capture d’écran prise sur le site français d’Ikea, leader, faut-il le rappeler ?, de la vente de meubles et de cuisines équipées, dans l’Hexagone comme dans tous les pays où elle s’est implantée. Cette généralité ne consolera sans doute pas les cuisinistes français, qui ont concentré leurs critiques les plus virulentes sur l’enseigne suédoise pendant les premières années de son développement, au cours de la deuxième moitié des années 1990 et au début de la décennie suivante. Depuis, les propos sont devenus moins enflammés, les cuisinistes constatant qu’il était vain de se provoquer des afflux d’acide gastrique ou de sombrer dans de dépressives considérations, car si Ikea domine le marché français sans conteste, il ne le pas domine pour autant sans partage. C’est que, tout autant que les optimistes qui pariaient il y a 20 ans sur l’échec de la formule scandinave dans notre pays, les Cassandre se sont (heureusement) trompées en tablant sur la disparition totale des magasins spécialistes de la cuisine équipée. Ces derniers sont encore présents et, mieux encore, les deux critères qui définissent leur importance (nombre et part de marché en valeur) n’ont pas franchement faibli depuis 1995, en dépit des impressions de désintégration progressive provoquées par la crise de 2008 encore vivace. Il faut souligner que ce nombre varie entre 3300 et 3800 points de vente selon les estimations et les définitions de ce qu’est réellement un cuisiniste, comme leur poids global sur le marché français (50 % environ en valeur) est sujet à débat, la définition d’une cuisine équipée variant selon le nombre d’éléments et la livraison à plat ou montée.
C’est que d’autres enseignes et d’autres formules de distribution sont venues s’ajouter au panorama convoité de la cuisine équipée, meilleur élève de la classe ameublement (avec la literie certes, mais avec un panier moyen bien plus élevé). Et de fait, la multiplication des enseignes de franchise, dont certaines connaissent un indéniable succès (Ixina) depuis plusieurs années, mais aussi l’arrivée de Darty, renommée et leader dans le secteur voisin et presque cousin de l’électroménager, ont conduit les cuisinistes à les placer dans leur viseur. Certains, dits tradis et/ou indépendants, n’hésitent pas à considérer ne pas exercer le même métier que les magasins spécialisés appartenant à des réseaux nationaux de marque de fabricants (français en l’occurrence) définissant la charte de présentation des magasins comme les politiques de vente qui doivent y être appliquées.
Ikea n’est donc plus le seul acteur sous le feu nourri des diatribes émanant des cuisinistes. Certains voient même dans les méthodes de séduction du géant scandinave les meilleurs arguments leur permettant de rendre explicites les différences avec les cuisinistes qui souffrent trop souvent d’une confusion dans l’esprit des consommateurs. Ce sera le cas sans doute de ce visuel, en relevant deux points. Le premier ne tient pas dans la tarification de la planification des cuisines (de nombreux cuisinistes étant partisans de faire payer devis et perspectives), mais sur le fait que celle-ci est réalisée au téléphone par visioconférence, et non pas en prenant le temps d’effectuer les métrages chez le client et/ou de le recevoir longuement une ou plusieurs fois dans le magasin. Le deuxième point d’ordre symbolique, mais plus significatif, expliquant que 89 euros suffisent pour un particulier à créer la cuisine de ses rêves. On est loin des oniriques visions d’achat d’un bien statutaire récompensant une longue attente et transformant l’acquéreur en privilégié. Certes, Ikea a bâti son, succès mondial sur une politique de volumes sous-tendue par la volonté déclarée de rendre la cuisine équipée accessible au plus grand nombre. Certes encore, les rayons cuisine des grands magasins à la devanture jaune et bleu sont souvent bondés de monde la samedi, incitant à recourir aux nouvelles technologies de communication. Certes enfin, un astérisque renvoie à une ligne en bas de l’image précisant que ces 89 € correspondent à une « prestation d'une heure (remboursée pour tout achat de cuisine à la vente à distance. Non applicable en magasin.) ». Mais la précision est écrire en caractères bien plus petits et, sujette à interprétation, la séduction peut aussi révéler ce qu’on voudrait cacher, ce slogan se muant alors en argument de distinction pour les cuisinistes.
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