Le cinéma français est, ou plus certainement encore, a été l’un des plus grands et des plus inventifs du monde, depuis les frères Lumière qui ont créé le 7ème art à la Nouvelle vague qui l’a révolutionné dans les années 1960, en passant par Georges Méliès, pionnier des effets spéciaux et par les chefs d’œuvre universels de Marcel Carné. Or, nos films sont aussi connus pour y comprendre très souvent des scènes de repas, qu’ils soient pris à la maison ou au restaurant. De fait, la table fait partie de notre patrimoine culturel. Et depuis mardi, la gastronomie française est inscrite au patrimoine de l’Humanité, comme en a décidé l’Unesco, chargé de répertorier les richesses immatérielles de la planète au sein d’une catégorie instituée en 2003 pour protéger les cultures et traditions populaires. Notre art culinaire - comme la dentelle au point d’Alençon - rejoint donc les - bien concrets, ceux-là - Mont-Saint-Michel et château de Versailles.
La notion de repas gastronomique à la française inclut les mets ainsi que les rituels et la présentation qui les entourent. Le comité de l’organe culturel de l’ONU a en effet noté que cette gastronomie relève d’une « pratique sociale coutumière destinée à célébrer les moments les plus importants de la vie des individus et des groupes ». Une autre façon de présenter ce que qu’avait plaidé auparavant l’ambassadrice de France auprès de l’Unesco, Catherine Colonna : « les Français aiment se retrouver, bien boire et bien manger, et célébrer un bon moment de cette façon. C’est une partie de nos traditions et une tradition bien vivante ».
La décision de l’Unesco souligne l’atout majeur dont jouit la filière française de cet espace de vie, des ensembles de meubles de cuisine intégrée aux arts de la table en passant par l’électroménager et les accessoires sanitaires. Alors que le tissu sectoriel français de la fabrication de meubles souffre de la conjoncture et d’une errance de positionnement face à la montée d’une nouvelle concurrence, constituée notamment de fabricants allemands jouant une politique de volume à prix bas, il lui serait bénéfique de reprendre à son compte le message global mais riche de valeur ajoutée de cette distinction internationale qui fait l’objet d’un label. Car la plus belle cuisine du monde ou la moins chère ne vaut rien si elle ne prend pas tout son sens d’utilisation et sa symbolique familiale et sociale de possession.
Hasard heureux du calendrier : la veille de la décision de l’Unesco, le fooding, mouvement culinaire français « pour l’amour du bel ordinaire et contre l’ennui à table » adopté par plusieurs pays, a fêté à Paris son dixième anniversaire, en présence du ministre de la Culture Frédéric Mitterrand. Formé des deux mots anglais food (nourriture) et feeling (sentiment, intuition), le fooding désigne l’art de manger et de cuisiner « avec appétit de la nouveauté, en rompant avec une vision étriquée de la table ». Depuis 2000, ce mouvement s’est exporté à New York, Londres, Milan et Barcelone. On ne peut que souhaiter le même dynamisme à la cuisine française dans sa version structurelle de l’habitat…
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