Révélé par le site Rue89, l’affaire est une nouvelle illustration des beaux effets de la mondialisation dont la pensée unique nous vante les louanges depuis une vingtaine d’années, mais dont le bon sens populaire constatent chaque jour les dégâts, en termes de délocalisation et de désindustrialisation, dans l’Europe entière.
Cette affaire dont les remous ont été sensibles jusqu’à l’Elysée concerne le divorce d’intérêt entre le groupe français Danone et son partenaire chinois Wahaha, dirigé par Zong Qinghou, devenu l’homme le plus riche de Chine en 2010, selon le magazine américain Forbes et le classement chinois Hurun, avec une fortune estimée à 8,6 milliards d’euros après avoir été multipliée par douze en quatre ans. Selon rue89, « Zong Qinghou est le prototype même des entrepreneurs de cette génération qui, sans fortune et sans éducation, ont su surfer sur l’ouverture économique chinoise et leurs liens avec les pouvoirs politiques de leur région d’origine, en l’occurrence le Zhejiang, la province la plus riche de Chine, pour prospérer ».
La rencontre entre Zong Qinghou et le géant français de l’agroalimentaire s’est produite en 1994 et s’est traduite par la création d’une coentreprise appelée Wahaha. Dans la répartition initiale, Zong détient 39 % du capital et Danone est majoritaire avec 51 %. La croissance est rapide, motivée par la demande croissante d’eau minérale au sein de la classe moyenne chinoise, inquiète de la pollution de celle sortant du robinet. Les livreurs de bombonnes Wahaha en tricycle ou en camionnette deviennent alors un élément familier du paysage urbain. L’union est donc fructueuse, jusqu’au jour où les deux partenaires commencent à se déchirer, il y a trois ans. Danone accuse son partenaire d’exploiter des marques concurrentes derrière le dos de la coentreprise, tandis que Zong Qinghou, député et membre du Parti communiste chinois, dénonce l’arrogance des Français, agitant la carte nationaliste au sein du personnel et de la presse chinoise.
L’affaire se retrouve devant les tribunaux, entraînant une intervention de Nicolas Sarkozy auprès de son homologue chinois Hu Jintao lors d’une visite officielle dans l’Empire du Milieu, avant de se régler à l’amiable l’an dernier… « avec la défaite de Danone, obligée de se retirer de Wahaha en vendant ses parts ». Ce retrait n’est pas qu’une perte symbolique, la Chine pesant 10 % de son chiffre d’affaires mondial. Et le succès de Zong Qinghou, non plus : devenu le principal actionnaire de Wahaha, premier groupe de boissons en Chine l’affaire, avec 60 % des parts, il a vu sa fortune personnelle décupler pour se hisser en quelques années sur la première marche de son pays, où la concurrence est rude avec l’éclosion des nouveaux millionnaires puis milliardaires.
La mésaventure de Danone est un exemple de plus du miroir aux alouettes que constitue le marché chinois pour les chefs d’entreprise occidentaux, oubliant par naïveté ou cynisme que les règles du jeu demeurent celles définies par les Chinois, qu’elles peuvent être très éloignées du droit commercial des investisseurs, en termes de concurrence et de résiliation de contrat notamment. Et de fait, si malgré sa taille et ses positions sur le marché mondial, Danone a dû passer sous les fourches caudines du système chinois, on aura du mal à croire que les industriels de la cuisine (meuble, électroménager et produits connexes) y échappent. Plus largement, reprendre à son compte et pour ses seuls profits et intérêts les procédés de fabrication et de commercialisation de produits lactés est une chose. Faire de même avec les technologies avancées nécessaires à la conception des appareils ménagers, voitures ou des avions de ligne (Airbus notamment) a d’autres conséquences sur les courts et longs termes, amplifiées par un euro fort contrariant les exportations des produits européens…
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