L'extrême standardisation cachée d'Ikea, selon Capital

Actualités - 30 avril 2013

« Un samedi matin au magasin Ikea de Vélizy, en Région parisienne. Il est à peine 10 heures, et les clients ont déjà envahi les allées. La chaîne suédoise consacre ici, sur 3 500 m2, l’intégralité de sa surface commerciale à la cuisine. Un cas unique chez elle. Comme à la Sécu, il faut prendre son ticket d’arrivée avant d’accéder à l’espace conseil. Temps d’attente annoncé ce jour-là : deux heures ». (…) « Alors pourquoi sont-ils encore là ? : Parce qu’ici il n’y a pas de rabais superlouche à la tête du client et pas de promo miracle. On sait que les prix sont bas, répond madame. Monsieur, lui, s’arrache les cheveux : le lave-vaisselle ne rentre pas dans le plan qu’il a patiemment bâti. Avec ses meubles empaquetés à plats et prêts à être emportés, son design mondialisé et ses prix bas, le géant suédois aura mis à peine deux décennies pour s’imposer sur le marché hexagonal des cuisines intégrées. Quand on demande aux ménages français à qui ils pensent au moment de s’équiper, 24, 8 % citent Ikea en premier » (…)  

 

« Sa force : arriver à marier une offre en apparence pléthorique et, en amont, une standardisation industrielle obsessionnelle et un sourcing mondial. Résultat ? Aucun autre groupe du secteur n’affiche comme lui une marge nette de 11,5 % sur un chiffre d’affaires de 27.6 milliards d’euros, dont 2.5 milliards en France ». (…) 

« Comme ses clients font une grosse partie du boulot, Ikea peut encore plus aisément tirer ses prix. Ticket moyen ? 2 000 euros, contre 4 500 à 5 000 euros chez un spécialiste, assure Jean-Christophe Bischoff, directeur commercial d’Ikea France ». (…) « Selon nos informations, Ikea France réaliserait aujourd’hui avec ce rayon 15 % de son chiffre d’affaires, ce qui en fait le meilleur élève du groupe » (…)

 

« Au début des années 1990, pour accélérer sa mondialisation dans ce secteur stratégique, le groupe a décidé de standardiser totalement sa production. En Suède, ses designers ont mis au point la future vache à lait de toutes les cuisines : Faktum, le caisson standardisé, réalisé en bois et mélaminé, de 18 millimètres d’épaisseur, destiné à être vendu comme base de placard dans les magasins du monde entier. Objectif : obtenir les coûts les plus bas du marché en fabriquant ces caissons par millions d’unités, quand ses principaux concurrents raisonnent le plus souvent en dizaine de milliers. Depuis vingt ans, ce Faktum n’a pas changé. Il constitue toujours la base arrière d’une gamme de façades qui, elle, va du rustique au high-gloss (hyperbrillant), soit au total 35 styles différents. Chaque nouvelle ouverture de magasin contribue à renforcer cet effet de volume. Voilà comment le groupe arrive à baisser chaque année ses prix de 2 à 3 %. En 2002, le prix du caisson bas Nexus avec deux étagères et une porte était de 68 euros. Dans l’édition 2013, il est affiché à 53 euros. Ce meuble Ståt est passé de 127 euros à 86, cet Abstrakt de 99 euros à 68. L’autre manière d’attirer le chaland, ce sont les accessoires, comme les poignées de portes et surtout, les astucieux systèmes de rangement, multipliés à l’infini. C’est là aussi qu’Ikea réalise ses plus belles marges. Les clients imaginent-ils la complexité du puzzle, en amont ? Le groupe, qui conçoit en interne, depuis son siège historique d’Älmhult, chacun des produits vendus, ne fabrique en effet que 10 % de son offre. Le reste est acheté à des sous-traitants. Un même meuble peut ainsi cacher une dizaine de fournisseurs différents. Où ça ? Pour les meubles de cuisine, « principalement en Europe » répond Ikea, qui n’aime manifestement pas entrer dans les détails. Alors faisons-le pour lui, et décortiquons cette cuisine Applåd. Les caissons Faktum sont fabriqués en Allemagne ; les façades des tiroirs en Italie ; les portes viennent du Portugal ; les poignées en métal Tyda, Tag ou Klippig de Chine ; les charnières de chez l’autrichien Blum, tout comme les structures métalliques de tous les tiroirs ; les amortisseurs des portes de placard ont été produits en Corée du Sud. Bonne nouvelle, un Français a réussi à tirer son épingle du jeu : le plan de travail vient d’Alsapan en Alsace » (lire ci-dessous). (…)  

 

(Ikea) « propose depuis peu une gamme de services à la carte : la livraison, le montage des cuisines, intégral ou partiel (Ikea fait le travail technique, vous vissez les portes), et même la prise de mesures à domicile. Un petit coup de canif dans le concept initial ? « Il faut s’adapter à la demande et à la population qui vieillit. Mais aujourd’hui, 90 % de nos clients font tout par eux-mêmes, indique Jean-Charles Bischoff » (…).  

 

L’Alsacien Alsapan, spécialiste du meuble en kit, serait le premier fournisseur français d’Ikea, selon le magazine Capital : « Hyper automatisé pour offrir des coûts compétitifs, il fabrique depuis trois décennies pour les magasins européens du suédois en suivant minutieusement son cahier des charges. Il a livré l’an dernier plus de 2 millions de meubles au groupe, avec lequel il réalise environ 50 % de son chiffre d’affaires de 130 millions d’euros. L’alsacien investit à tour de bras pour tenter de grossir au rythme d’Ikea, mais fournit aussi d’autres grands spécialistes de la distribution de meubles ».

 

Source : Capital n° 259 d’avril 2013

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