La nouvelle n’a malheureusement surpris personne dans la filière de la cuisine équipée, pas même les cuisinistes que nous avons sondés pour notre baromètre mensuel d’opinion, à paraître la semaine prochaine : le sort de FagorBrandt était scellé et son dépôt de bilan annoncé mercredi dernier était attendu par le grand public qui ne voyait pas pourquoi ou comment le fabricant d’électroménager échapperait à l’hémorragie qui continue de saigner le tissu industriel français. Ironie du sort, au moment où se tient à Paris le Salon du Made in France, la défaillance de cette entreprise et plus encore de ses marques emblématiques (Vedette, Sauter, De Dietrich et Brandt) rappelle plutôt le Merde in France de la prophétique chanson de Jacques Dutronc sortie en 1984 (sous un autre gouvernement servant de modèle ou d'inspiration à l'actuel).
La décision de la filiale française du groupe Fagor était attendue depuis que la maison mère, la coopérative basque Mondragon, avait renoncé, la semaine dernière, à sauver ce groupe de 5 700 personnes, asphyxié par une dette de 859 millions d’euros. Employant de son côté 1 800 salariés, FagorBrandt est quant à lui endetté à hauteur de 156 millions d’euros, dont 110 auprès du groupe. En se donnant du tempspar la demande de mise en redressement judiciaire auprès du tribunal de Nanterre, la société espère trouver des partenaires financiers susceptibles d’injecter les fonds nécessaires à une reprise de l’activité, comme l’a déclaré en substance Thierry Léonard, le directeur général de FagorBrandt. Une faiblesse d’activité n’est pas à mettre en cause pour expliquer cette situation : la production des quatre usines françaises de FagorBrandt est à l’arrêt depuis le 14 octobre en dépit d’un carnet de commandes de 82 millions d’euros, dont 62 millions pour le marché domestique. Rien ne semble donc perdu. Reste cependant à trouver les « 15 et 20 millions d’euros nécessaires pour engager un redémarrage partiel » selon Philippe Breger, délégué syndical CGT chez FagorBrandt qui a confié aux Echos espérer que « le gouvernement nous appuiera vis-à-vis des banques ». Notre confrère précise que la direction de l’entreprise « préfère quant à elle évoquer une fourchette de 25 à 35 millions d’euros pour relancer tous les sites. Pour l’instant, FagorBrandt affirme que la médiatisation de ses difficultés n’a pas eu d’impact sur ses ventes. La société reste encore capable d’honorer ses commandes auprès des distributeurs, a indiqué Thierry Léonard, grâce à des stocks de plusieurs dizaines de milliers d’appareils. Mais cette situation ne pourra pas durer très longtemps ».
Reste ensuite à trouver un repreneur potentiel, alors que la situation des acteurs européens de l’électroménager n’est pas forcément brillante. En début de semaine, « le fabricant italien Indesit a officiellement annoncé qu’il envisageait de se vendre au plus offrant » a souligné le journal économique. FagorBrandt demeure tout de même une acquisition de choix, même s’il a perdu son statut de leader du marché français de l’électroménager voilà deux ans, occupant désormais environ 14 % en valeur derrière l’allemand Bosch-Siemens. Ces dernières années, le groupe franco-espagnol a aussi dû faire face à la concurrence croissante d’acteurs asiatiques comme Haier, LG ou Samsung et à la montée en puissance des marques de distributeur. Dopées par la crise, celles-ci ont représenté l’an dernier 12,2 % des ventes de gros électroménager en France (en valeur), contre à peine 7 % en 2008, selon GfK. Dans ce contexte, la société a accumulé les pertes, enregistrant un déficit de plus de 30 millions d’euros au premier semestre.
FagorBrandt a ainsi été victime de ce que les économistes appellent l’effet sandwich, un phénomène bien connu, rappelé par un analyste des Echos : « sur le haut de gamme, il se bat contre des industriels qui peuvent augmenter leurs prix sans nuire à leurs ventes. Par exemple Miele et Bosch-Siemens, devenu le numéro un du marché. Ou Dyson dans les aspirateurs. Et puis, en bas du marché, les fabricants low cost asiatiques, Haier ou LG, cassent les prix, sans oublier les marques distributeurs. Entre les deux tranches du sandwich, entre les poids lourds et les poids plumes pour le dire autrement, Fagor est coincé. L’entreprise a des coûts de production élevés qui l’empêche de baisser ses prix, mais elle ne peut pas non plus les monter parce que son image n’est pas assez bonne. C’est le drame des poids moyens, sans compter qu’en plus sur ce segment il existe des concurrents très musclés qui ont les reins solides, comme Whirlpool et Samsung. Cet effet sandwich se constate dans beaucoup de secteurs. Il est très courant.Prenons l’automobile : le milieu de gamme est écrasé entre le low cost, Dacia par exemple, et les marques suffisamment puissantes pour imposer leurs prix. On pense bien sûr aux groupes Volkswagen ou à BMW. En Europe, Fiat, Opel, PSA sont pris en sandwich eux aussi. Dans l’habillement, dans l’hôtellerie, c’est la même chose. Dans le transport aérien, Emirates dans le haut de gamme et Ryan Air ou Easy Jet en entrée de gamme ont la vie plus facile qu’Air France ».
Reste à savoir quels scénarios peuvent se présenter pour assurer la poursuite d’activité de FagorBrandt. Les Echos en résume dessinent trois possibles sur la courte vidéo, consultable en cliquant sur l’image ci-dessus. D’autres pourraient bien se dessiner dans les prochains jours…,
Partager cet article