Eurocucina : changement de saison et retour à la raison…

Actualités - 22 avril 2014

Depuis dix ans et plus que je lui suis fidèle, je trouve toujours au Salone del Mobile de Milan une saveur toute particulière lorsqu'il se tient une année paire. Je ne manque alors jamais de consacrer une journée à la visite d'Eurocucina ; celle-ci vient clore de manière bienvenue une semaine de travail éreintante, à la fin de laquelle je ne distingue plus un lit Calligaris d'une chaise Domitalia.  

 

Attention : je ne prétends en aucune façon au statut d'experte de la cuisine. C'est donc au seul titre de novice éclairée, comptant cinq éditions d'Eurocucina dans les mollets (affinés donc, en dépit des gnocchi à la crème de chez Lorenzo) que je vous confie mes impressions.

 

 

À l'aune du meuble, la cuisine comptait plus de visiteurs cette année qu'en 2012 ; on se bousculait et s'apostrophait joyeusement sur les stands en mille et une langues étrangères, nombre d'entre elles venant incidemment d'Asie. Quant aux exposants, ils avaient, comme de coutume, endossé une tenue d'apparat, un peu moins excentrique toutefois qu'il y a deux ou quatre ans. Quid des couleurs acidulées et des cuisines futuristes qui m'avaient tant égayée lors des précédentes éditions ? Il fallait se résigner à la victoire de la sagesse sur la séduisante mais moins vendeuse originalité. Car c’est le signe des temps nouveaux : au printemps de Milan, les cigales italiennes se sont un peu lassées de chanter le bel canto tout l’été, lorsqu’est venue une bise teutonne de rigueur mieux adaptée au refroidissement hivernal du marché.   

 

Changement de saison, et retour à la raison pour mieux rester maître en sa maison : croisé entre deux stands, un confrère m'a confié qu'il fallait voir dans cette sobriété retrouvée un retour à l’efficacité : les exposants, tous italiens mis à part cinq ou six exceptions notables, pâtissent à des degrés relatifs de la désormais célèbre conjoncture. Aussi se sont-ils  appliqués à présenter des solutions pratiques et fonctionnelles plutôt que de faire étalage, à l'aide de mises en scène improbables, de leur savoir-faire.

 

La sagesse n'excluait pas cependant l'élégance : décliné en d'innombrables nuances, le bois affichait un traitement contemporain et se mariait sans faute de goût aux laques couleur neutre, gris ou blanc. Le verre et l'aluminium, agrémentant l'un et l'autre modèle, donnait une note de prestige à l'ensemble.

 

Quant à la tendance - qui n'en est d'ailleurs plus une tant elle est assimilée aux mœurs actuelles – unissant la cuisine au séjour, elle se confirmait à nouveau cette année : alternance de niches ouvertes et fermées, meubles conçus à la manière de bibliothèques… Le mariage est consommé. Au point même qu'il devenait parfois difficile, dans l'une ou l'autre mise en scène, de distinguer la cuisine ; bien heureux qui devinait, derrière les portes escamotables d'un meuble de salon, la table de cuisson, la hotte et le petit électroménager. Étonnante époque, qui voit la cuisine disparaître pour séduire et se faire désirer… Mais la vocation de l’érotisme n’est-il pas de suggérer pour mieux exciter les sens ?    

 

Photo : Saverio Lombardi Vallauri

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