Et Marc Edel confirme...

Actualités - 26 févr. 2014

Culture Cuisine : De nombreux professionnels partagent le constat de la perte d’aura des marques italiennes de cuisine en France au cours des dernières années. Est-ce aussi votre avis ?

Marc Edel (directeur de Demeter/Agensia) : Oui, et j’y vois trois raisons principales. La première est à la fois conjoncturelle et structurelle, tenant dans le fait que le marché italien de la cuisine est en net recul depuis 2008 et que les fabricants transalpins sont le plus souvent des assembleurs. De fait, lorsqu’il n’y a pas de couverture de crédit, ils doivent payer par avance leurs sous-traitants et fournisseurs d’éléments à assembler. Ce phénomène est accentué par la mauvaise santé des marchés espagnol et grec qui constituent les principaux débouchés des marques italiennes à l’exportation. Ainsi les firmes italiennes prennent-elles davantage une posture de gestion de leurs finances et de leur trésorerie que de conquête de marché.

 

Culture Cuisine : Quelle est la deuxième raison ?

Marc Edel : Elle concerne les gammes de produits et le marketing. Auparavant, dans les années 1980 et 1990l, les modèles sans poignée ou laqués constituaient les fers de lance des marques italiennes. Depuis, les fabricants allemands ont considérablement rattrapé leur retard en proposant eux aussi des modèles sans poignée (il faut souligner qu’ils étaient toutefois les premiers à le faire dans les années 1970, permettant notamment à SieMatic de bâtir sa réputation). Aujourd’hui, tous les industriels germaniques, de Nobilia à Bulthaup, ont intégré des gammes sans poignée à leur collection. De plus, les progrès réalisés par les fournisseurs de façades dans le domaine des mélaminés et polymères ont changé la donne au cours des dernières années, en diminuant le caractère exclusif des finitions laquées, ceci avec des alternatives plus abordables.

 

Culture Cuisine : Votre troisième raison souligne les différences de modes opératoires entre les fabricants allemands et italiens.

Marc Edel : En effet, et cette raison-là est peut-être la plus essentielle pour comprendre la perte d’aura des marques italiennes. Lorsque ces dernières annoncent qu’elles sont présentes aux Etats-Unis, elles sont souvent distribuées par trois, quatre ou cinq magasins répartis dans les villes emblématiques telles que New York, Los Angeles, Chicago et Miami. Idem pour la Russie et de nombreux autres pays. On ne peut pas comparer cette présence ponctuelle à une conquête de marché, ambition que les fabricants allemands mènent avec des moyens et des objectifs autrement plus importants, investissant un grand nombre de points de vente, en no name ou sous leur marque, dans les pays étrangers. De plus, les fabricants d’outre-Rhin ont une meilleure faculté d’adaptation aux modes opératoires des marchés étrangers que leurs concurrents transalpins. Par exemple, ils livrent plus vite et sans attendre que leurs camions soient pleins pour amortir le coût du transport. Or, ce délai créé souvent une distorsion entre les fabricants et les besoins des cuisinistes dans un contexte de concurrence tendue.     

 

Culture Cuisine : Vous avez évoqué trois raisons principales. Est-ce à dire que s’y ajoutent des explications secondaires à la perte d’aura des marques italiennes en France ?          

Marc Edel : Oui, l’une d’entre elles étant de nature culturelle. Les cuisines italiennes sont de conception plus simple que celles qui sont proposées par les cuisinistes français, davantage attachés aux notions appliquées de sur mesure et à l’optimisation ergonomique et des volumes. 

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Et Marc Edel confirme...
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