Comment (bien) redevenir indépendant ?

Actualités - 29 janv. 2019

 

Culture Cuisine : Comment se construit une telle décision mûrie après de nombreuses années au sein du réseau du leader français ?

Christian May : « La décision de redevenir un cuisiniste indépendant est à mon avis naturelle, car ce statut est celui qui motive tout entrepreneur. Entreprendre dans les affaires, c’est en effet la volonté d'avoir et de conserver toute la liberté de décider comment réfléchir et agir pour développer son activité, quitte à se tromper parfois en prenant des risques qui sont eux aussi le corollaire de la mise en œuvre de toute stratégie. Dans le domaine de la cuisine équipée comme dans d'autres, chaque entrepreneur est ainsi par essence l'artisan de son propre destin à 1, 2 ou 5 ans et il ne peut pas le confier à d'autres, même s'ils sont compétents. Je n’ai pas longuement mûri cette décision, car elle est arrivée l’an passé en dressant le bilan de mon parcours professionnel. Cela s’est imposé comme une révélation de ma volonté de revenir aux sources, c'est-à-dire de retrouver concrètement les motivations qui m'avaient conduit à devenir cuisiniste à mes débuts. Or, cette motivation résidait dans ma volonté de bâtir un projet professionnel selon ma propre vision des choses, et c'est ce que j’ai décidé d'accomplir à nouveau dans mon magasin de Nice. Ne pas le faire aurait signifié pour moi perdre une part de mon identité de spécialiste de la vente et de la conception de cuisines équipées sur mesure.   

 

Culture Cuisine : Comment motiver son équipe à ce changement d‘importance ?

Christian May : Il est selon moi impossible de réussir tout seul. C'est pourquoi l'un des fondements principaux de ma décision à résider dans l'adhésion totale et forte de tous les membres de mon équipe, afin de conserver intact tout leur talent pour qu'il profite pleinement à notre nouveau projet commun. Cette transition, après 26 ans à défendre les couleurs d'une enseigne nationale, a pu se faire dans de bonnes conditions, car les professionnels qui m'entourent travaillent avec moi depuis longtemps. Elle aurait été au contraire impossible avec des concepteurs vendeurs débutants. Elle a pu aussi se faire en raison de la bonne entente avec notre nouveau fournisseur partenaire next125 et parce que nous l'avons entreprise à une période creuse de notre activité, en l'occurrence en décembre, afin d'être le moins impactés financièrement.


Culture Cuisine : Quelles sont les étapes à suivre pour réussir cette mutation radicale dans son magasin ?

Christian May : Il faut bien évidemment prévenir son fournisseur par courrier recommandé pour officialiser la cessation d’activité, les délais varient en fonction des contrat passés entre les deux parties. Une fois, cette opération fixée à une date précise et commune, il faut ensuite vendre les cuisines en exposition dans le magasin en les proposant, bien sûr, à des prix intéressants. Cette étape est réalisée le dernier mois avant la fermeture effective de manière à être prêt à préparer les travaux de mise en place du nouveau magasin. La dernière étape est de fermer complètement le magasin à la clientèle pour ne pas perturber l’ancien partenaire ni le nouveau. Cette phase peut durer environ 4 semaines. Il est donc essentiel en termes financiers (trésorerie, investissement ou emprunt) de prévoir cet arrêt momentané de l’activité. Il est important que l’intérieur du magasin ne soit bien sûr pas visible de l’extérieur. A cet effet, on peut baisser les rideaux de l’entrée et de la vitrine, et/ou peindre cette dernière du Bagare, produit de peinture occultant le temps de finitions des travaux. La touche finale intervient dès que la date de cessation d’activité est à son terme. Il faut alors prévoir une campagne de réouverture intensive avec le nouveau partenaire qui varie de trois à cinq semaines pour bien informer les clients et prospects. 

 

Culture Cuisine : Quelle justification du changement de fournisseur faut-il apporter auprès de ses clients et prospects ?

Christian May : Quelle que soit la notoriété de la marque ou de l'enseigne représentée, les consommateurs achètent toujours avant tout les compétences et services du distributeur. C'est dans ces conditions que les cuisinistes sérieux et véritablement professionnels prennent toute leur dimension humaine. Aussi, c’est en cultivant leurs qualités et en conservant leur authenticité qu'ils peuvent garder les clients et prospects de leur zone de chalandise. Il n'y a donc pas besoin de justifier tel changement de fournisseur, mais de leur montrer que l'on conserve le même état d'esprit. Je le constate lorsque les gens viennent dans mon magasin, désormais aux couleurs next125, et qu'ils me disent : “Vous n'êtes plus Schmidt, mais nous sommes rassurés que vous soyez toujours là”. La même remarque vaudrait pour d'autres enseignes nationales, et au-delà de la cuisine, pour des réseaux actifs dans d'autres secteurs d'activité (concessionnaires automobiles, par exemple). Depuis deux ou trois ans, la marque et ses modèles sont ainsi devenus secondaires dans la décision d'achat des consommateurs qui font primer de plus en plus la relation humaine et la considération qu’accordent les commerçants à leurs envies et besoins. En remettant ainsi au premier plan les hommes et les femmes qui constituent l'identité de chaque magasin, les gens opèrent un appréciable retour à l'essentiel. »

 

Propos recueillis par Jérôme Alberola

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