Alors que le concours de l’Eurovision s’est tenu en Suède samedi dernier, une photo prise à Stockholm au musée ABBA, premier vainqueur suédois du télé-crochet international il y a 50 ans et plus grand groupe de pop de l’histoire du pays, témoigne de l'importance qu’y tient la cuisine, pour une fois sans qu’il soit question d’Ikea.
Qu’elle soit intégrée et équipée ou déstructurée, la cuisine est présente dans tous les foyers, et son importance n’est plus à démontrer dans les activités domestiques de divers domaines, de sa vocation naturelle de préparation et consommation des repas à la réalisation des devoirs scolaires (sur table ou îlot de cuisine) en passant par les réunions improvisées, apéritives ou digestives, en famille ou entre amis. Si l’usage multiple, transgénérationnel et trans-censitaire de cette pièce de vie est bien connu, ayant motivé le dynamisme de son marché depuis quatre décennies et permis à ses industriels de réaliser les plus gros chiffres d’affaires au sein de l’ameublement, la place à part occupée par la cuisine dans le domaine sociologique est moins documentée. Pourtant, elle se révèle dans des domaines ou à des occasions inattendus, dont Culture Cuisine fait régulièrement l’écho.
La dernière s’est produite à l’occasion d’une visite récente du musée ABBA à Stockholm. On ne s’attardera pas ici sur la synchronicité avec la tenue samedi dernier du concours de l’Eurovision à Malmö, troisième ville de Suède. En revanche, la localisation et le groupe de pop dont il est question sont révélateurs de l’importance de la cuisine dans la culture et la sociologie populaire.
Abba est en effet le plus grand groupe de pop de l’histoire du pays et l’un des plus grands du monde, tant en termes de ventes de disques (recordman après les indétrônables Beatles), que de succès non démenti depuis 50 ans, gagnant même des fans à chaque nouvelle génération, phénomène se réalisant avec une ampleur unique.
Les tubes d’Abba sont ainsi intemporels comme leur musique est universelle. De fait, la place centrale et symbolique qui est accordée à la cuisine pour illustrer l’une de ses chansons (« Slipping Through My Fingers » - Me glissant ente les doigts en français - sur leur dernier album The Visitors publié en 1981) témoigne de son importance dans la sociologie de l’époque. Les paroles ne portent pas en effet sur la pratique culinaire, ni sur une scène d’amour ou de ménage se déroulant dans cette pièce. Comme il est indiqué sur le cartouche d’explication au musée (photo ci-contre), la chanson raconte la séquence d’un parent regardant par la fenêtre sa fille quitter seule le foyer pour se rendre à l’école, et le sentiment triste et pénible qu’elle lui échappera chaque jour un peu plus en devenant indépendante pour vivre son destin loin du foyer familial. Ce dernier est représenté par une cuisine montée dans le musée (photo ci-dessus à droite).
Gageons que ce serait encore le cas aujourd’hui, avec probablement une prégnance plus forte, que ce soit en Suède ou dans d’autres pays dont la France. On notera enfin que le modèle exposé n’est pas l’un des quatre figurant au catalogue d’Ikea de 1981 (visuel ci-dessous), année de sortie de la chanson « Slipping Through My Fingers. » Preuve que le géant suédois de l’ameublement n’est pas l’unique référence de son domaine, y compris dans son pays…
Jérôme Alberola
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