Cuisiniste : le métier attire-t-il les jeunes ?

Actualités - 04 déc. 2018

 

Cuisiniste : le métier attire-t-il les jeunes ?

Enseignant formateur en vente et agencement cuisine et salle de bains à La Fabrique, Roberto Drapon, dresse un constat peu réjouissant en guise de réponse, évoquant « un manque d’informations et un fossé entre l’offre et la demande ». 

 

Culture Cuisine : Vous évoquez des difficultés plus fortes qu’auparavant à recruter des jeunes pour le métier de concepteur vendeur de cuisine. Pouvez-vous préciser ce constat et quelles en sont les causes selon vous ?

Roberto Drapron : « A partir de 2002, La Fabrique-Les Ateliers Grégoire ont eu une première difficulté à recruter. En cause : l’explosion des propositions en école de décoration et d’architecture d’intérieur, la rénovation du BTS Design de l’espace conjugué au travail du CFAI pour une reconnaissance des métiers de décorateur d’intérieur et d’architecte d’intérieur.

En 2008, il apparaissait que les cuisinistes souhaitaient recruter des profils plus âgés et nous avions du mal à placer en alternance les jeunes post bac. A partir de 2010, La Fabrique a renforcé son action vers la formation d’adulte de grand groupe de distribution, qui eux, avaient des profils à former. Depuis 2016, la demande de vendeurs est telle que nous avons mis en place des classes dédiées afin de former davantage de concepteurs vendeur de cuisines. Or, le recrutement est difficile. Il y a un fossé entre la demande des magasins et le potentiel de ressources humaines en Ile-de-France. Les entreprises souhaitent des profils de technico- commerciaux de niveau Bac+2, ou bien des décorateurs Bac+3 ou +4. Pour les premiers, il suffit de regarder le nombre d’offres pour les gens issus du commerce afin de comprendre que l’offre d’emplois est bien supérieure à la demande. Les seconds ne sont pas intéressés par le commerce ; pire : ils en ont une vision très négative. Dernier point, les jeunes et moins jeunes ne connaissent pas le métier de concepteur vendeur de cuisine. Pour preuve, de nombreux clients demandent à leurs concepteurs quelles études sont nécessaires pour exercer leur activité.

 

Culture Cuisine : Quelles seraient les solutions à mettre en place selon vous. En avez-vous parlé avec des acteurs de la profession (fabricants, directeurs d’enseignes, cuisinistes) et quelle est leur réaction ?

Roberto Drapron : Des actions doivent être menées auprès des écoles de décoration, de vente mais aussi des écoles techniques de l’agencement, pour présenter notre métier. C’est le rôle des écoles de formation et des branches professionnellesDes actions de formations inter-enseignes seraient sans doute une bonne solution, car la formule intra-entreprise dédiée à seule marque a trouvé sa limite, une seule enseigne y participant en Ile-de-France. Le nouveau CQP (certificat de qualification professionnel) permet d’avoir une base de formation identique à tous. Nous estimons que les réglages dédiés à chaque marque (argumentaire de vente, utilisation des logiciels) ne prendraient que 7 jours maximum. La balle est dans le camp des responsables de formation des grands groupes de fabrication et de distribution intervenant sur le marché. Je pense que les acteurs de moindre envergure et les magasins indépendants se grefferaient ensuite volontiers à ce type de formation. Les branches professionnelles (Snec-Fenacerem-Fnaem) doivent se mobiliser pour toucher les organismes "financeurs" de la formations (OPCA futur OPCO). Un travail sur les fiches de poste du Pôle Emploi et de la presse spécialisée en emploi et formation semble nécessaire. Il faut dresser un constat à date des besoins de recrutement au niveau régional et national. Autre point noir : nous avons corrigé le mode de rémunération, mais nous ne savons toujours pas que gagne un concepteur vendeur de cuisine en moyenne en début de carrière et en fin de carrière. Ceci n’aide pas à communiquer sur un métier. Les interlocuteurs de la branche ont entendu nos constatations, et nous espérons pouvoir nous rencontrer rapidement.

 

Culture Cuisine : Dressez-vous le même constat pour les métiers d’architecte d’intérieur et de décorateur de l’habitat ?

Roberto Drapron : Pour ces deux métiers, le constat est diamétralement opposé, car nous avons beaucoup de demandes de formation, La Fabrique ouvrira finalement un autre groupe en février, alors qu’il n’y a aucune employabilité. Les adultes qui se forment en reconversion ont des projets professionnels d’entrepreneuriat. En revanche, les jeunes présents dans les très nombreuses écoles d’architectes d’intérieur et de décorateurs, ont beaucoup de mal à trouver des emplois. Les cuisinistes parisiens me rapportent que de nombreux décorateurs répondent aux offres d’emplois, mais n’ont aucune qualification en vente, voire aucune appétence. D’ailleurs, depuis deux ans, je constate que beaucoup de cuisinistes sont contactés par des jeunes en BTS Design de l’espace ou en décoration d’intérieur pour trouver une entreprise en alternance. Nous arrivons ainsi à une conclusion récurrente : il y a un fossé entre l’offre et la demande. »

 

Propos recueillis par Jérôme Alberola

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