« Expérimenter des projets plus complexes… »

Actualités - 21 nov. 2017

 

 « Expérimenter des projets plus complexes… »

C’est en partie pour cette raison que Xavier Desseaux a monté son propre « bureau d’études » à Lyon, en 2014 : Les cuisines d’Arno. Clin d’œil à son fils, ce nom est aussi une référence au fleuve italien, traduisant ainsi l’attachement de ce cuisiniste polyvalent au design transalpin. Voici une interview riche de sens d’un cuisiniste qui travaille sur RV, ne donne pas ses plans aux clients, valorise la compétence et le temps passé sur la recherche de la bonne implantation et qui vend systématiquement l’électroménager avec un projet de cuisine.

 

Culture Cuisine : Plus qu'un show-room de cuisines, vous vous présentez comme « un bureau d'études » : en quoi est-ce que cette terminologie illustre-t-elle votre démarche ? Cela fait-il écho à une évolution du rôle du cuisiniste indépendant amené à s'ouvrir à d'autres services ?

Xavier Desseaux, directeur : « Cette démarche est le fruit d’un raisonnement. Maintenant que j’ai 15 ans de métier, j’identifie très rapidement les possibilités et problématiques que présente une conception de cuisine classique. Le fait est que je m’amuse un peu moins maintenant avec des réalisations lambda… Quand j’ai créé mon magasin, j’ai voulu aller plus loin pour retrouver mon envie. L’une des clés a été de m’entourer de professionnels, notamment d’architectes, de constructeurs et de promoteurs, pour expérimenter des projets plus complexes en travaillant essentiellement sur recommandation. Je dois dire que l’objectif a été rempli car actuellement 50% de ma clientèle vient accompagnée d’architectes. Les gens qui s’adressent à nous via une recommandation attendent autre chose qu’un devis. Il y a donc une vraie démarche de recherche dans l’agencement, afin de trouver le produit adéquat, le coloris parfait, l’éclairage correspondant… Cette approche permet de faire plus de sur mesure. Le projet du client est remis au centre de la discussion avant même la question du budget. Il y a donc une vraie démarche en termes de conception. En travaillant comme un bureau d’études, on fonctionne essentiellement sur rendez-vous. Enfin, on ne donne pas nos plans aux clients ; pour moi, donner ses plans est quelque chose qu’aucun indépendant ne devrait faire. On les vend, on n’essaie pas de faire de concurrence déloyale aux architectes d’intérieur et on valorise la compétence et le temps passé et sur la recherche du bon projet et de la bonne implantation.

 

Culture Cuisine : Vous proposez donc aussi des aménagements de dressings, de salles de bains, de rangements et du mobilier : est-ce aussi une nécessité pour faire face à une demande croissante de la part des consommateurs ?

Xavier Desseaux : Forcément la logique est double : certes, la volonté de se diversifier a toujours été là me concernant, mais cela permet aussi de récupérer des marges perdues. Cela répond également à une question de temps disponible chez notre clientèle haut de gamme. Ce type de clientèle a généralement peu de temps pour se rendre dans les show-rooms. Or, une fois qu’ils ont trouvé le bon interlocuteur avec qui ils ont passé plusieurs heures à expliquer leur souhait en termes de conception, de produits et d’ambiance, c’est plus facile ensuite de faire des suggestions globales et de proposer aussi des chaises ou des tables de salle à manger. C’est un gain de temps pour les clients et nous sommes les mieux placés pour connaître les aménagements les plus en adéquation avec leur projet. On peut aussi parfois être amené à réaliser des projets plus ponctuels, comme des salles de bains : les chiffres du marché le montrent bien, ce n’est pas un marché très porteur. Généralement, nous réalisons soit des salles bains de luxe, soit des projets sur recommandation. Globalement, plus de 70 % de nos projets concernent la cuisine, 10 % le dressing et le reste se répartit entre le mobilier, l’éclairage et la salle de bains.

 

Culture Cuisine : Quelle est votre vision du secteur actuel de la cuisine, tant dans l'offre produits que dans la distribution ?

Xavier Desseaux : En termes de produits, on a dépassé tous les excès. Par exemple, on ne fait plus ni de cuisines provençales ni de cuisines trop personnalisées ou ultra-colorées. Les gens sont aujourd’hui dans une recherche de produits intemporels, notamment avec l’avènement de la cuisine ouverte. En Italie, la cuisine ouverte est une constante depuis les années 60, mais en France cela remonte à seulement à 15 ans ! Or, l’offre des marques italiennes, de plus en plus implantées en France, a enfoncé le clou. Désormais, la clientèle est sensibilisée à la décoration, les émissions TV spécialisées aidant. Elle est donc plus exigeante et se renseigne généralement avant de venir en magasin, notamment via les avis laissés sur Internet. Mais Internet a aussi ses travers, concernant l’électroménager, entre autres. Personnellement, et contrairement à certains confrères, je vends systématiquement l’électroménager avec un projet de cuisine. C’est encore possible en sensibilisant les gens aux risques encourus en achetant sur Internet, mais aussi en refusant d’installer un appareil acheté ailleurs. Concernant la distribution, je pense que les grandes enseignes moyen de gamme subissent aujourd’hui le retour de bâton de leur politique d’ouvertures massives, à savoir privilégier des profils d’investisseurs plus que de cuisinistes pour monter des magasins. Vouloir la rentabilité à tout prix a ses limites : l’une d’entre elles est un turnover démentiel dans ces magasins. De même, je trouve regrettable que ces enseignes ne forment plus leurs vendeurs qui se trouvent ainsi démotivés ; le niveau d’agencement dans ces enseignes est devenu très faible. Finalement, ces écueils permettent de réduire l’écart entre le moyen et le haut de gamme, avec la possibilité pour les indépendants de se différencier en proposant autre chose qu’une offre devenue totalement linéaire et sans originalité. Par conséquent, je pense que les spécialistes indépendants et l’offre haut de gamme ont un bel avenir devant eux. »

 

Propos recueillis par Vanessa Barbier

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