L'arme (trop) absolue contre l'obsolescence ?

Actualités - 21 nov. 2017

 

L’arme (trop) absolue contre l’obsolescence ?   Allonger la durée d’usage des appareils ménagers est une bonne démarche écologique. Mais en proposant des produits promis à une très longue durée de vie, voire « increvables », ne risque-t-on pas de programmer cette fois l’asthénie du marché ?

 

Nul citoyen de cette petite planète bleue comme une orange, et nous servant de seul havre de vie dans la glaciale immensité intersidérale, ne s’en plaindra : la conscience de la nécessité – chaque jour plus urgente – d’appliquer des mesures sauvegardant notre fragile environnement s’impose dans les secteurs d’activité concrets, au-delà des cénacles de réflexion des lanceurs d’alerte. Avec elle s’exprime aussi le souci de revoir nos modes de consommation, en passant d’un modèle de société d’hyper-consommation de masse, à laquelle chaque occidental a nolens volens allègrement participé, à un paradigme de consommation raisonné, donc raisonnable.

 

Reste que la définition et plus encore l’application de ce même paradigme reposent sur des équations difficiles à résoudre, étant composées de termes contradictoires. Car tout est affaire d’équilibre et il s’agit de faire marche arrière après avoir été trop loin dans une direction, sans pour autant subir un trop fort retour de balancier (phénomène trop fréquent dans l’histoire humaine, tant économique que sociologique). En l’occurrence, nous tentons de quitter progressivement une société du gaspillage qui était organisé et consenti pendant des décennies, parce que moteur de forte consommation, donc de production, donc de croissance économique, d’abord dans les pays concernés (les Trente Glorieuses), puis à l’échelle planétaire (changer régulièrement de smartphones, de chemises, d’articles de sport ou de nombreux autres biens d’équipement fait travailler les usines chinoises, mais pas vraiment les françaises, voire européennes…). Les mauvais effets ont dépassé les bons et ce gaspillage est surtout perçu aujourd’hui comme une source de déchets excessifs et de pollution industrielle sur terre, dans l’eau et l’air, sans pour autant apporter un bonheur supplémentaire, voire d’en procurer simplement dans des pays occidentaux où un nombre important de gens ont plus de mal à trouver du travail qu’à s’acheter des smartphones, chemises, articles de sport, etc. Voire : d’autres doivent cumuler deux emplois pour continuer de s’acheter deux smartphones tout en remplissant leur réfrigérateur.

 

Quitter ce modèle de société de surconsommation ne doit pas signifier pour autant ne plus consommer (ce qui est impossible), ou de manière plus théorique entrer dans une période de décroissance que certains idéologues, se parant d’ailleurs souvent des habits usés de Cassandre, appellent de leurs vœux ou de leurs cris d’orfraie. Car si le gaspillage pouvait avoir du bon, les systèmes d’une société centrée sur le recyclage peuvent tout autant paradoxalement avoir des effets néfastes pour la santé économique. Ainsi, les brocantes qui se multiplient au printemps sont certes des lieux de nouvelle vie pour des produits manufacturés voués ailleurs à finir en décharge, mais elles participent également à une économie parallèle qui crée un manque à produire, donc à créer de l’emploi et de la croissance pour les circuits industriels et leurs débouchés commerciaux.

 

Tout est donc affaire de dosage et de mesure dans le virage devant être opéré (mieux consommer et non pas moins consommer). C’est sous cet angle de réflexion qu’il faut regarder le sujet consacré récemment par France2 au mouvement amorcé par certains en France ou ailleurs, visant à proposer des appareils ménagers pouvant durer plusieurs décennies. Car si l’obsolescence programmée est devenu un sujet sensible depuis quelques années, il ne faudrait pas non plus tomber dans l’excès opposé, avec des modèles survivant toujours à leur propriétaire et ne reflétant plus leur époque, tant technologique qu’esthétique. Le charme du vintage, c’est justement de l’être…   

A visionner en cliquant sur  le visuel ci-dessus.  

 

Jérôme Alberola

 

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